L’AUTRE MOI

Conception et réalisation de poupées articulées à taille humaine

Le travail artistique de Léo Gras s'interroge sur l'identité et la définition de soi, par l'alliance du corps, de la danse, de la musique, du théâtre, de la scénographie et des costumes. Depuis 2022, il développe un travail de reproduction de son corps par le biais de mannequin articulé à taille humaine. Oeuvre de dédoublement et de gémellité, ces poupées font ici preuve de miroir, devenant des objets de réflexion, permettant de questionner les notions d’incarnation et de désincarnation.
Qui de nous ou de la poupée est le plus vivant ? Le plus incarné ?

  • De l’origine des poupées

    En 2022, je débute une recherche sur mon deuxième projet dans le cadre des Cartes Blanches du CCN-Ballet de Lorraine. Ayant le désir de proposer un spectacle sous forme scénique à caractère autobiographique, je souhaite m’interroger sur mon rapport aux costumes, aux déguisements, aux souvenirs de mon enfance et l’espace de liberté-rêve-cauchemar que m’apportaient ces objets. Naturellement, le souvenir des poupées avec lesquelles je jouais me revient et m’amène à débuter une recherche sur cet objet. Je débute alors un travail de reproduction de certaines parties de mon corps : visages, mains & pieds. Par le biais de moulage en négatif, je développe plusieurs objets en silicone, plâtre, papier mâché et résine, tels des ex-voto ou vestiges de moi-même. 
    Fasciné par l’objet “poupée/marionnette” depuis mon enfance, je décide de me réemparer de ce médium et de donner vie à ces “ami.es imaginaires”, mais cette fois à taille humaine. L’idée était alors de semer le trouble entre réalité et fiction, en donnant vie à une autre version de moi-même, me permettant d’engager alors un dialogue avec ce dernier.
    L’usage du vêtement est alors la meilleure manière pour personnifier cet autre-moi, l’utilisation de mes propres habits permettant de clairement réaliser un pont entre la poupée et moi-même mais aussi de la placer dans un espace temps donné et évoquant ainsi un moment ou souvenir précis.

    Corps morts, corps endormis ?

    Objet tant scénographique que performatif, le caractère foncièrement dérangeant des poupées a ici pour but de faire ressentir un certain malaise au public. Corps à la fois mort et vivant, manipulé et contemplateur, il questionne ici la place de sujet ou d’objet du corps humain et de l’individu. En proposant de multiples scénarios, de multiples positionnements et rapports dans l’espace, l’utilisation de la poupée interroge ici le rapport du corps à l’espace et sa portée narrative dans l’abstraction d’une scénographie. 

    Témoin de l’existence 

    Objet à connotation tant ludique, sexuel que mémoriel, la poupée fait ici figure de témoin de l’existence, comme une mise en abîme de soi-même. Étant un moyen de faire ressurgir un instant précis, elles font ici preuve de vestiges, replongeant dans un contexte et permettant de contempler ce dernier. Un jeu de regard se met alors en place : qui regarde qui ? Qui assiste ? Ou bien qui se remémore ? Sommes-nous dans le monde onirique de l’un.e ou de l’autre ?
    Autant de questions mettant en parallèle la relation poupée-interprète à celle de spectateur.ice-interprète, interrogeant alors la notion même de la performance sous le joug du voyeurisme, de la complaisance et de l’existence par le regard  de l’autre. 
    Les poupées initient donc un phénomène de miroir, ayant pour but de devenir un objet réflexif permettant de mieux mettre en valeur son autre-soi, pour lui permettre de mieux se réfléchir sur nous mêmes. Établissant un langage caché et mué, elles mettent ainsi en abîme notre réalité, dans un acte contemplatif et cathartique.

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À LA RECHERCHE DU CORPS DANSANT